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LE PANAFRICANISME NOUVEAU
28 février 2013

CHRONIQUE DE LA MAURITANIE: L'éducation nationale, le coeur malade de la Mauritanie

L'émancipation des pays ayant parié sur le développement humain prouve, s'il en est encore besoin, qu'une éducation de qualité, disponible et n'oubliant personne est une condition sinequanone pour la survie et le progrès de toute nation. Dans notre pays, des avancées louables sont à reconnaître en terme de quantité et de l'expansion de l'enseignement public. Mais, ces efforts risquent de rester creux et de faible portée s'ils ne sont consolidés par une
recherche de qualité et de qualification à tous les niveaux de l'enseignement et à sa base plus particulièrement.

Aujourd'hui, quel est l'état de notre éducation ? Quelles sont ses difficultés majeurs ? Et surtout, quelles sont les orientations qu'il faut entreprendre sans tarder pour fortifier ce domaine primordial à l'évolution de notre pays ? Mais avant d'évaluer le système éducatif
actuel faisons un détour par son histoire.
Rappel historique : une réforme peut en cacher une autre
En Mauritanie l'absence d'un service militaire/civique obligatoire fait de l'éducation nationale le seul outil pour véhiculer une identité commune à toutes les composantes culturelles du pays. Cette identité, qui se doit d'être forte dans une mondialisation sans barrière, est la seule garantie pour notre peuple de se mélanger aux autres sans se perdre. La question identitaire a fortement marqué l'histoire de l'éducation nationale.
Sous la colonisation, le système éducatif en Mauritanie était limité à quelques centres scolaires rattachés administrativement à la colonie sénégalaise. Ce système très élitiste et excessivement francisé n'avait pas la confiance d'une grande partie de la population, lui préférant l'école coranique, la mahadra et d'autres formes d'enseignement privé. C'est donc un système minimum, inégalitaire et inadapté que va léger la France au jeune état indépendant de la Mauritanie en 1960. Ce système va connaître une succession de réformes mouvementées visant sa globalisation et son arabisation idéologique. Tout d'abord, un décret de 1966 stipule que " L'arabe est obligatoire à partir du 1er Octobre 1965 pour tous les élèves entrant dans les écoles secondaires ". Ensuite, la réforme éducative de 1967, qui fixe la durée de " l'enseignement fondamental " à 7 ans dont la première année qui serait désormais dédiée à l'initiation à l'arabe. Et puis s'ensuit la réforme de 1973, qui s'inscrit dans le cadre d'une politique nationaliste globale, création d'une monnaie nationale en 1973 et nationalisation de la Miferma en 1974.
Cette réforme revient à l'option de 6 ans d'enseignement primaire, avec cette fois les deux premières années exclusivement arabisées et la quote-part hebdomadaire du français considérablement réduite. C'est dans ce climat de recherche identitaire que la guerre du Sahara va éclater plongeant le pays dans une série de difficultés politiques, économiques et sociales.
L'éducation nationale ne sera pas en reste de ces crises et la réforme tentée en 1979 n'aura pas les moyens nécessaires à sa mise en application. C'est ainsi que va s'installer dans le pays un système éducatif coupé en deux filière. Une filière fortement arabisée majoritaire et encouragée et une autre dite " bilingue " sur demande et peu répandue. Ce système socialement séparatiste et idéologiquement peu ouvert restera en vigueur jusqu'à 1999 date
d'adoption au parlement de l'ultime réforme éducative.
Cette réforme tente dans son texte de répondre aux difficultés qui se sont accumulées vingt ans durant sur un système vétuste et inefficace. Ainsi, elle propose une unicité de l'enseignement moins idéologique et plus réaliste et aussi une ouverture à l'extérieur en
renforçant l'enseignement des langues étrangères français et anglais.
L'application de cette réforme initialement prévue sur dix ans est très loin des objectifs fixés dans son texte. Le manque de moyens, la mauvaise gouvernance, le laxisme d'état et les crises politiques sont les principaux responsables de ce retard. Cette réforme et d'autres lacunes de l'éducation nationale sont probablement au point mort durant la période de transition que connaît actuellement le pays.

Le primaire : le socle fragile
L'enseignement primaire qui est la matrice de la société est mis en échec par un taux de déperdition et d'abandon qui avoisine la moitié de son effectif. Cette moitié qui n'aurait eu pendant son court séjour à l'école qu'une faible éducation peu consistante et sans qualité, fait perdre au pays une partie indispensable et le plonge dans une paralysie invalidante. Et quand cette hémiplégie affecte essentiellement la moitié féminine de la société, le diagnostic s'aggrave d'une stérilité de l'éducation extra-scolire. Mais malheureusement cette réalité déjà très alarmiste tirée des chiffres officiels n'est probablement qu'une meilleure image du désastre éducatif à ce niveau. L'absence des ONG éducatives qui pourraient donner des chiffres indépendants est à déplorer ici.
Cette situation n'est pas encore irréversible, mais il urge de prendre les mesures adéquates pour stopper l'hémorragie. La formation continue pour récupérer le retard, un enseignement plus ludique pour une école plus attractive, un soutien concret aux familles en difficulté qui sont l'autre moitié de l'éducation, l'obligation de l'école, la suppression des mesures de régulation des flux … et d'autres initiatives devraient s'inscrire dans une politique de lutte
contre la déperdition et d'amélioration des niveaux éducatifs pour tous. Ce manque à gagner n'est plus soutenable et l'avenir du pays en dépend.

Le secondaire : le maillon faible
L'enseignement secondaire qui est construit sur deux paliers aussi importants l'un que l'autre. Une première partie qui achève l'enseignement de base requis pour intégrer la société active pour les plus pressés des élèves. Et une seconde partie qui doit orienter et préparer à l'enseignement supérieur à venir. Ces deux vocations sont malheureusement loin d'être remplies à ce niveau très sensible de l'éducation nationale.
Au collège, le faible taux des formations professionnelles (BEP) est une faiblesse déplorable. Il est temps de nouer le contact entre l'éducation et le monde du travail pour promouvoir l'école comme outil d'émancipation sociale et lui ramener la confiance de la population.
Faire intervenir les acteurs économiques dans le processus éducatif. Une coopération responsable et constructive entre l'éducation et l'économie profiterait au pays tout entier. Elle
pourrait s'orienter dans l'exploitation des potentiels économiques délaissées et mal estimés en Mauritanie : tourisme, pêche, urbanisme, agriculture, …etc. Mais tout ceci est conditionné par la diversification de l'enseignement en rajoutant aux connaissances universelles déjà proposées d'autres plus professionnelles dictées par les besoins stratégiques du pays.

Dans la seconde partie, l'aiguillage d'une grande partie des élèves sur une voie dont on sait pertinemment qu'elle serait sans issue ni pour eux ni pour leur pays est tout simplement irresponsable. Ajouté à cela un baccalauréat volontairement hermétique qui devient l'échec
traumatisant de l'essentielle partie de ces élèves mal suivis et peu préparés pendant les trois années de ce cycle. Ainsi l'éducation nationale rejette sans remords ces jeunes mal lotis dans le chômage à longue durée, dans le commerce improvisé, dans l'immigration clandestine, dans le trafic et le banditisme ou dans le terrorisme international. Quant à ceux d'entre eux qui passent cette étape, ils ne tarderont à déchanter sur les bancs de l'université de Nouakchott
ou par redoublement sans fin à l'étranger. Parce qu'ils auraient étés mal orientés et peu préparés.

Le supérieur : le chaînon manquant
L'enseignement supérieur souffre de son manque de débouchés et de son éloignement des populations. En effet, la seule académie se trouvant à Nouakchott les étudiants des villes internes souhaitant poursuivre leurs études supérieures sont forcés au déplacement. Cette situation pose d'autres problèmes qui dépassent le cadre de l'éducation nationale. Quand on sait la maigre bourse attribuée à ces étudiants, qui est totalement déconnectée de la réalité de vie à la capitale. Alors que le logement des ces étudiants est essentiellement assuré par les réseaux de parenté et le sens d'hospitalité de la société.
Ces étudiants pressés par la misère et le manque de perspective ne tarderont à augmenter le rang des candidats à l'exil. Un exil souvent amer et encore plus misérable.
Un autre problème est celui des filles qui ont plus de difficultés de voyager que leurs frères pour des raisons socioculturelles et qui se voient souvent leurs études abrégées avant même que l'éventualité de partir soit posée.
Un autre problème est celui de " fuite des cerveaux " à l'aise dans la mondialisation, préférant s'épanouir à l'étranger que d'augmenter les listes des chômeurs au pays. A l'heure ou les grands pays font les doux yeux à l'intelligence des pays pauvres par une politique "
d'émigration choisie ", il n'est plus raisonnable d'envoyer les lauréats du pays dans " la gueule du loup ". Il est temps aujourd'hui de mettre fin à cette situation de dépendance de l'extérieur pour la formation des cadres Mauritaniens.
Toutes ces considérations et d'autres encore font émerger la nécessité stratégique de doter la Mauritanie d'un enseignement supérieur de proximité et répondant aux besoins réels du pays. Tout les indices portent à croire que le pays en a les moyens humains et financiers qui n'attendent qu'une volonté politique réelle.
En substance et pour revenir à la métaphore de l'homme état, l'éducation nationale serait le coeur qui bat pour alimenter toutes les autres parties de l'organisme. Le coeur de la Mauritanie est en bradycardie, il bat faiblement et pour sauver le pays il va falloir le réanimer en urgence. Alors, l'actuel et les futurs gouvernements sont mis en garde, ils seront particulièrement attendus et de pied ferme sur l'éducation et le jugement sera sans appel " EDUQUEZ OU ABDIQUEZ ".

Lemine Beyrouk

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  • Le Panafricanisme est une idée politique et un mouvement qui promeuvent et encouragent la pratique de la solidarité entre les africains où qu'ils soient dans le monde. Le panafricanisme est à la fois une vision sociale, culturelle et politique d'émancipati
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