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LE PANAFRICANISME NOUVEAU
28 février 2013

CHRONIQUE MAURITANIDES: Habib Ould Mahfoudh

AL-BAYANE N° 67 DU 23 au 30 MARS 1993

Au début du mois de Ramadan la tradition veut que les diables, les djinns, soient ligotés et bâillonnés et jetés de l'autre côté de la mer bleue.

habib-ould-mahfoudh

(On ne savait pas que l'autre côté de la mer bleue, il y' avait l'Amérique. Mais ça ne change rien. Ces exilés du troisième type sont libérés la nuit du 27 de Ramadan, " la nuit du destin " et rendus à la vie civile, si l'on ose dire. Nos diables à nous, il faudrait apprendre à les connaître. On les appelle de plusieurs noms différents, sans jamais la moindre once de méchanceté. Nos diables nationaux, à de notables exceptions près, sont très sympathiques. Ils n'ont rien à voir avec ces diables intellectuels, prétentieux et inquiétants de type Lucifer.

Nos diables n'ont jamais été anges et n'ont jamais fait la bête. Il conviendrait même de les appeler lutins ou farfadets, plutôt que diables ou djinns qui sous-tendent toute une métaphysique du mal et de la faute que nous ne trouvons absolument pas drôle. L e Mauritanien tient à ses démons et ne veut pas des diables d'importations. Je crains qu'ils ne soient d'ailleurs la dernière marque de souveraineté qui nous reste.

 Les farfadets de nationalité mauritanienne se distinguent d'abord par leur " rapidité " : à titre d'exemple la traite des vaches prend moins de temps qu'il ne faille pour dire : " Tzzzz…. fermez l'enclos "

 

Nos lutins n'ont jamais cependant digéré la seule défaite de leur histoire, côté célérité, face à la tribu nomade Idayqub.Voilà les faits rapportés par un observateur de l'époque :

A une certaine période l'année les campements nomades se déplaçaient de conserve, tout à fait comme les navires d'une flotte. On ne relâchait pas au même endroit mais on s'observait de loin. Il se trouve qu'un campement de djinns s'était " jumelé " avec un campement d'Idayqub. Les pluies étaient abondantes et il fallait remonter très vite vers le Nord, au Tiris, pour que les chameaux puissent éviter les taons et la fièvre du Sud. Les deux campements changeaient trois fois de place par jour. Toujours plus au Nord. On entretenait des relations de bon voisinage : on échangeait des cordelettes contre du sel, des " cheveux " du thé vert contre une " pierre " de sucre les gosses se retrouvaient pendant les déplacements et s'envoyaient joyeusement à la face des mottes de terre, des ossements et des silex bien tranchants.

 

Le sixième jour trouva les deux campements sur le cordon dunaire de l'Akchar à la hauteur de Bir Igni. Une forte tempête de sable joignit le ciel et la terre. Le berger des djinns égara quatre chamelles pleines. Les Idayqub n'en égarèrent pas une seule. La tempête cessa. On devait se déplacer. Les djinns demandèrent aux Idayquob de bien vouloir " leur donner une dizaine de minutes pour leur permettre de se trouver les chamelles. Refus catégorique des Idayqub qui ne voulaient pas perdre le temps et levèrent immédiatement le camp. Les djinns restés sur place, humiliés, jurèrent par tous leurs dieux de ne plus saluer les Idayqub. Ce fut la seule fois où on les battit. Actuellement ils font tout pour oublier cette douloureuse page de leur histoire. " Efficacité et rapidité " continuent d'être la devise des lutins et c'est pourquoi ils sont si modernes. Par leur travail( invisible malheureusement ) ils ont pu faire de leur Mauritanie (invisible malheureusement ) un pays aussi développé et aussi performant que le Japon (le Japon visible, bien entendu). Vu que les djinns japonais, ce qu'ils font comme boulot hein!

 Je me pose toujours la question pourquoi " les partenaires étrangers " les " bailleurs de fonds " n'ont pas choisi de traiter leur business avec nos diables plutôt qu'avec nos humains.

 Peut-être que je me trompe après tout et que se sont réellement nos djinns qui sont au pouvoir et mènent les affaires du pays. Ce n'est pas du tout à cause de la " rapidité et l efficacité " de nos gouvernements mais de la deuxième caractéristique des djinns du pays : la haine viscérale de la symétrie et de l'équilibre.

 On rapporte ainsi qu'un grand notable djinn de la région du Hodh oriental ne pouvait pas dormir à cause d'un certain détail chez un petit âne gris, du côté de Keur Macène, tout à fait à l'Ouest du pays. Sur un demi-chameau, il embarqua tous ses fils, tous ses frères, tous les adultes de la tribu et prit la route de Keur Macène. Ils trouvèrent le petit âne gris dans un bosquet d'euphorbes. La compagnie mit pied à terre. Le plus âgé marcha doucement, doucement pour un diable n'exagérons rien, tendit le plus long de ses six doigts - l'auriculaire - et l'enfonça dans l'œil du petit âne gris qui broutait dans un bosquet d'euphorbes au Nord-Ouest de keur-macène. Et la délégation se réembarqua sur sa moitié de chameau pour le Hodh, laissant derrière elle un petit âne gris et borgne.

Et le diabolique notable put dormir tout son soûl. Parce que le petit âne gris n'avait plus qu'un seul œil. Autre illustration de cette haine de la symétrie et de l'équilibre.

 Pour transporter par exemple deux sacs de mil sur le dos d'un âne, les djinns ne procèdent pas comme " nous " ( ?)en mettant un sac sur chaque flanc du bourricot pour équilibrer la charge. Non, ils mettent les deux sacs sur un seul côté, l'un sur l'autre et ne mettent aucun contre poids de l'autre côté de la bête. C'est ce que les Maures appellent " rvud ehl lekhla ". On peut dire par exemple qu'au foot un score de 3 à O ou même de 8 à 1 s 'appelle " rvud ehl lekhla. Tout d'un côté et rien de l'autre ou presque rien.

Je ne sais pas si ça peut s'appliquer à un parlement monocolore et à des résultats formule kobenni. Il me semble toutefois que la philosophie djinniste de l'équilibre est à la base de notre système de gouvernement, média, et surtout média, y compris.

Autre fait dominant de nos sympathiques ombres sans ombre : ils sont toujours au Nord-Ouest. Et comme le dit un mathématicien de mes amis, puisque chaque point P du globe est obligatoirement au Nord-ouest d'un autre point P'. On peut dire que la totalité de la terre est recouverte par les Djinns. Nos glorieux ancêtres qui étaient sûrs que la terre était plate comme un discours de ministre (Pourquoi pas le savant Horbiger défendait bien la thèse selon laquelle la terre était une sphère creuse ) évitaient soigneusement les " Nord-Ouest "( à remarquer que la partie la plus intime des femmes était souvent appelée Nord-ouest aussi ).On interdisait aux femmes de jouer au Nord ouest des tentes. Les voyageurs ne sortaient pas du campement par le nord-ouest. Les étrangers n'abordaient pas par cette direction. Embargo total sur le nord-ouest. Comme on l'a vu ce sont des précautions inutiles vu que chaque point P du globe etc, etc, etc.

Je tiens à préciser que " l'évitement du nord-ouest " n'a pas empêché les mauritaniens de venir à Nouadhibou taquiner le poisson - qui ne leur a jamais rien dit - et expédier le fer du Tiris au-delà des mers.

Justement le fer joue un grand rôle dans cette histoire de diable : C'est l'arme absolue contre " ceux que nous n'avons pas nommés ". Pour les contrer il suffit de brandir un couteau ou toute autre pièce métallique. Ainsi la femme qui vient d'accoucher aura toujours un couteau à la main. Pendant les quarante premiers jours, la jeune mère était littéralement mise en " quarantaine " afin d'éviter " l'échange " de son bébé contre un bébé-djinn. Nous remarquons que l'exportation du fer est une sorte de pacte avec le diable, vu sous cet angle-là.

Est-ce à dire que nos pouvoirs successifs ont eu partie liée avec le Malin ?

C'est un pas que je ne franchirai point mais que penser de " l'objectif SNIM 12,5 millions ", du projet Guelb, et tout ce tralala sinon c'est pour évacuer le maximum de fer du pays pour que les Djinns se sentent à l'aise ? Nous ne pouvons pas ne pas noter l'étrange affection que portent nos farfadets aux peignes et aux cure-dents, dans " l'imagerie populaire ".

On s'interdit ainsi de les jeter pour ne pas que les mauvais esprits s'en emparent. C'est sans doute dû au fait que les djinns aiment beaucoup les ossements, les cheveux que le peigne arrache et les ongles. (" Tout ce qui a été soustrait à un vivant " - ma ubina min hayyin - comme disent les jurisconsultes musulmans ).

Un ministre limogé est-il considéré comme ayant été " soustrait à un vivant " ? Plus exactement, un ministre démis de ses fonctions est-il " habité " ?

Nous répondrons oui parce qu'on considère en général que tout ce qui est " tombé " est immédiatement " léché par les gens du vide ".Heureusement-pour les ministres mais surtout pour les diables - un ministre, c'est notoire n'a pas bon goût, ce qui empêche qu'on puisse le lécher longtemps. En outre le ministre a plus l'habitude de lécher ( avec une prédilection pour les bottes de type rangers ) que d'être léché. Il reste qu'être obligé, de part sa fonction naturelle, à lécher un ministre qui " tombe ", est une condition inhumaine, si on me permet le mot. Un peigne, un cure-dent, passe encore, mais un ministre ! Je ne voudrais que l'on me taxe d'être l'avocat du Diable, mais il est impératif à mes avis de créer une ligue nationale des droits des Djinns.

 Habib AL-Bayane N° 65 du 10 au 16 mars 1993

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