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LE PANAFRICANISME NOUVEAU
18 septembre 2014

CAMEROUN: Comment les services de renseignements ont capturé le capitaine Guerandi Mbara

Guérandi Mbara était exilé au Burkina Faso depuis le 5 juin 1984

Selon une enquête publiée dans Jeune Afrique, l’ex-putschiste a été drogué et transféré au Cameroun dans une transaction qu’il croyait destinée à l’achat d’armes

Selon une enquête publiée dans l’hebdomadaire Jeune Afrique, édition du 14 au 20 septembre 2014 et intitulée «Cameroun: Enquête sur une affaire d’Etat», Guérandi Mbara - l’un des cerveaux du putsch manqué de 1984 contre Paul Biya et l’un des derniers survivants de ce coup d’Etat – est, depuis janvier 2013, aux mains des services de renseignement camerounais. Mort ou encore en vie, le magazine ne répond pas toutefois à la question.

Pour l’hebdomadaire qui n’utilise pas le conditionnel dans son enquête, Guerandi est parti de l’aéroport de Sofia en Bulgarie le 25 janvier 2013 à bord d’un petit avion conduit par des pilotes macédoniens, croyant se rendre en Russie pour rencontrer un vendeur d’armes. C’est que l’ex-capitaine de l’armée camerounaise, exilé au Burkina Faso depuis le 5 juin 1994, nourrissait toujours le désir de voir partir Paul Biya du pouvoir, par les armes. A bord de l’avion, il sera plutôt drogué avec un sédatif et conduit…à l’aéroport international de Douala par ses convoyeurs. Arrivé le 26 janvier au matin, il a été remis à une équipe de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE), «dirigée par le commissaire James Elong Lobé], quelque part sur la route entre Edéa et Pouma», précise Jeune Afrique. Et depuis, plus de nouvelles de l’opposant.

A l’origine du traquenard
Militaire et fils de militaire Kirdi, Guérandi Mbara est issu de la promotion 1974 de l’Ecole militaire interarmées (EMIA) de Yaoundé avec Thomas Sankara et Blaise Compaoré. C’est ce dernier, président de la République du Burkina Faso, qui consentira à accueillir ce capitaine âgé de 30 ans à l’époque, le 5 juin 1984, après le putsch manqué d’avril de la même année, lequel putsch avait vu de nombreux militaires fusillés par la suite. Au Burkina Faso, Guerandi Mbara développe sereinement ses relations, se rendant en Occident à sa guise. Il obtiendra même un doctorat en Sciences politiques en France, à l’Université Paris-Descartes, en 1997.

Le début de la fin pour cet opposant de Paul Biya jusqu’à la moelle, intervient en 2012 lorsqu’il rentre en contact, à Paris, avec Georges Starckmann. Un dealer d’armes qui a mené quelques activités sur le continent: notamment en Côte d’Ivoire, au Biafra et même au Cameroun. «Devant Starckman donc, Guérandi Mbara se vante. Il dit disposer de 2000 hommes prêts à renverser Paul Biya et assure qu’il a un plan d’attaque détaillé. Une vidéo de la conversation serait parvenue aux services camerounais», écrit Jeune Afrique.

Starckman décide de revendre l’information au Cameroun, contre une prime de 500.000 euros. L’objectif est d’amadouer Guerandi pour le remettre aux autorités camerounaises. Après avoir perçu 350.000 euros, il recommande, pour la besogne, de s’attacher les services d’un colonel portugais, José Alberto Fernando Abrantes. Ancien de la sécurité de l’ambassade du Portugal en Côte d’Ivoire, ce colonel installé au Cameroun est en relation à cette époque avec la DGRE pour des «services».

C’est donc lui qui va exécuter la mission. «En dix mois, une trentaine de voyages et de rencontres seront nécessaires pour approcher, mettre en confiance et neutraliser l’opposant camerounais», poursuit Jeune Afrique. La première fois, le 14 janvier 2013, Guérandi accepte de rendre à Porto pour rencontrer Abrantes lequel devait officiellement le conduire en Russie pour son besoin.

Le plan de vol initial d’Abrantes est de droguer l’opposant à l’aide d’un sédatif pour le conduire à l’aéroport de Bafoussam en toute «discrétion». Les pilotes macédoniens de l’aéronef rejetteront l’idée au motif que ce n’est pas un aéroport international, leurs licences pouvant ainsi être compromises. Après des négociations et tergiversations, Abrantes va se résoudre à mettre le cap sur l’aéroport international de Douala après un transit par Sofia en Bulgarie. Pour faire passer son colis, arrivé le 26 janvier au matin à l’aéroport international de Douala, sans attirer le regard des curieux, Abrantes va être aidé en cela par «Thierry André Mathé, le commissaire de l’aéroport. Il leur trouve une porte discrète de sortie», indique Jeune Afrique. C’est sous l’effet du sédatif que Guérandi sera remis à une équipe de la DGRE, «quelque part sur la route entre Edéa et Pouma dans la région du Littoral», précise Abrantes à Jeune Afrique.

Le contractuel portugais, qui a livré les détails de cette opération au magazine, indique qu’il parle parce qu’il n’a pas été payé. Personne n’a les nouvelles de Guérandi Mbara depuis ce jour, ni même son cousin, Samuel Kleda, archevêque de Douala, que cite Jeune Afrique.

- See more at: http://fr.africatime.com/cameroun/articles/comment-les-services-de-renseignements-ont-capture-le-capitaine-guerandi-mbara#sthash.34k6igYB.dpuf

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15 septembre 2014

Mauritanie : L’exclusion des Noirs peut - elle durer encore ?

Rapide Info - Depuis son accession à l’indépendance, le 28 novembre 1960, laMauritanie a mis en place un système d’exclusion de sa composante noire tendant à l’affirmation d’une identité exclusive arabe et la négation de tout soubassement africain à travers la mise en place d’une série de reformes politiques. 

Le pouvoir militaire a procédé, au détour d’un conflit banal à l’origine, entre éleveurs mauritaniens et agriculteurs sénégalais en avril 1989, à des déportations massives de plusieurs dizaines de milliers de noirs mauritaniens vers le Sénégal et le Mali

Entre 1989 et 1992, sous le régime du Colonel Maawiya Ould Sid’Ahmed Taya, des milliers de civils et militaires noirs mauritaniens furent tués selon un mode opératoire présentant toutes les caractéristiques d’un génocide au sens retenu par les Nations Unies en 1948, dont une des conventions reconnait comme tel tout acte « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux». 

Le général président Mohamed Ould Abdel Aziz a lancé depuis 2011 une opération dite d’ «enrôlement des populations» visant officiellement à doter laMauritanie d’un état civil fiable et sécurisé, comme dans tous les pays.

Cet enrôlement s’est révélé dans son application être une opération d’exclusion et de bannissement des noirs, suspectés d’être sénégalais ou maliens, ou d’avoir acquis frauduleusement les états civils en leur possession.

Nombre d’entre eux qui se sont vu refuser l’enregistrement, deviennent donc apatrides dans leur (propre) pays, d’autres l’ont été au prix d’humiliations de toutes sortes. Même de hautes personnalités civiles et militaires, ayant servi le pays pendant des décennies, se sont dans un premier temps fait exclure de l’enrôlement.

Dans le même temps, échappent à ces exactions, des étrangers, originaires de pays arabes, installés parfois depuis peu en Mauritanie. Parmi eux, des Libanais, des Maghrébins, et … des Touareg maliens ou nigériens. Aujourd’hui, cette opération se poursuit dans une relative opacité après de violentes manifestations encadrées par un mouvement de défense des droits civiques dénommé « Touche Pas à Ma Nationalité » et une partie de l’opposition. 

La deuxième phase de cet enrôlement réservée aux étrangers vivant en Mauritaniea commencé, brutalement imposée par les autorités depuis mai 2012, sans en avoir précisé les modalités, par la traque de ressortissants d’Afrique noire donc majoritairement des sénégalais et des maliens. Des expulsions (comme en 1989) ont suivi vers le Sénégal, puis des tractations avec certains pays ont donné un répit à ces étrangers auxquels l’Etat mauritanien impose de se munir de carte de séjour dans un délai très court. 

La troisième phase réservée aux mauritaniens établis à l’étranger met à nu les intentions et la ferme volonté du régime actuel de retirer la nationalité à la majorité des mauritaniens établis en France et en Europe.

Pour parvenir à cette fin, les autorités de Nouakchott qui clament sous tous les cieux leur attachement à la souveraineté nationale, exigent pourtant à leurs citoyens la présentation d’une carte de séjour délivrée par le pays hôte pour mériter de rester mauritaniens. 

Une immersion dans l’histoire de création récente de notre pays nous invite pourtant à la tolérance, à la mesure et à l’acceptation de notre diversité pour construire la nation et entretenir des relations apaisées avec nos voisins. 

La frontière avec le Sénégal, un enjeu humain d’abord 

Le nom de la Mauritanie n’apparait officiellement que le 27 décembre 1899 par décision ministérielle qui délimitait un territoire qui englobe les régions s’étendant de la rive droite du fleuve Sénégal et de la ligne entre Kayes et Tombouctou, jusqu’aux confins du Maroc et de l’Algérie. Cette décision ministérielle et le choix du nom ont été inspirés par Xavier Coppolani.

En 1900, la première limite du Territoire fut fixée à travers un tracé théorique délimitant les zones d’influences franco – espagnoles au Nord. Le 10 avril 1904, par arrêté, tous les territoires situés sur la rive droite du fleuve Sénégal sont rattachés aux protectorats des pays Maures.

Le 25 février 1905, un décret précise et fixe la frontière au milieu du fleuve Sénégalpuis le 8 décembre 1933, un autre décret repousse la frontière sur la limite du lit majeur du fleuve, c’est-à-dire sur la rive droite englobant le sud de la Mauritanie. En 1975 puis en 1989 surtout, l’internationalisation des eaux du fleuve dans le cadre de l’Organisation de Mise en Valeur du fleuve Sénégal a permis d’éviter le pire entre les deux pays mais jusqu’à quand ? 

A chaque crise majeure, chaque partie brandit « son décret », à ce jeu dangereux la Mauritanie donne plus l’impression de vouloir en découdre militairement. Les deux pays ont tout intérêt à trancher ce flou juridique au grand bonheur des populations riveraines. 

Enfin, le décret du 5 juillet 1944 rattache la région du Hodh, jusqu’alors sous dépendance du Soudan (actuel Mali), à la Mauritanie. Ce rattachement revêt un cachet sécuritaire, l’administration cherchant à neutraliser le mouvement Hamalliste (Cheikh Hamahoullah) dans cette région. 

En lieu et place des Émirats (Adrar, Trarza, Brakna, Tagant) et des États du Sud (Guidimakha, Waalo, Fouta Tooro) se substitue et se superpose le futur État deMauritanie. Jusqu’au 2 juin 1946, le nom de la Mauritanie continuera d’être associé, jumelé avec celui du Sénégal sous l’appellation de « CirconscriptionMauritanie – Sénégal » et Saint Louis du Sénégal restera capitale de laMauritanie jusqu’à la veille de l’indépendance. On comprend dès lors que bon nombre de Mauritaniens soient nés au Sénégal

Tel est le contexte historique et politique dans lequel a été enfantée la Mauritanieactuelle, regroupant Sooninko, Wolofs, Maures, Bambaras, Haratines et Haal Pulaaren qui vont devoir désormais vivre sur un même territoire unifié et placés sous une même autorité.

Il va s’en dire que pour présider aux destinées de notre pays, il vaut mieux connaître ce contexte et tenir compte de toutes les pièces du puzzle. Le prix à payer pour les fils de notre pays, maures comme noirs, sera énorme. 

Dès 1946 lors des premières élections législatives dans le cadre de l’Union Française, la question était déjà posée. En 1945, en prévision de ces élections, deux tendances s’étaient dessinées : Chez les maures « le représentant de laMauritanie ne saurait être un noir » tandis que les notables noirs, inquiets, font appel à une candidature européenne (source : Sous – série : 2G45 : 134, Archives Nationales du Sénégal). 

Un territoire, deux administrations et un système éducatif différencié 

Paradoxalement, la fracture entre maures et noirs de la vallée du Fleuve était déjà« officialisée » par les arrêtés n°469 et 470 du 20 août 1936 qui organisaient séparément les commandements et administrations : une administration indirecte chez les « indigènes maures », avec des émirs dépendant désormais de l’administration coloniale ; et une administration directe chez les populations sédentaires noires, avec la création de cantons dont les chefs étaient auxiliaires de police judiciaire et percepteurs des impôts. 

Ce mode de gestion séparée est renforcé par la mise en place d’un système éducatif différencié. En effet l’administration coloniale, pour asseoir son autorité, affirme son intérêt pour l’école en vue d’une plus grande emprise sur les populations autochtones. Dans sa circulaire du 22 juin 1897, le Gouverneur Général E. 

Chaude écrit : « l’école est le moyen le plus sûr qu’une nation civilisatrice ait d’acquérir à ses idées les populations encore primitives». « C’est elle (l’école) qui sert le mieux les intérêts de la cause française » ajoutera le Gouverneur GénéralWilliam Ponty dans une circulaire du 30 août 1910, comme pour confirmer les propos de son prédécesseur. 

Simplement, l’implantation de cette école en Mauritanie se fera, et pendant longtemps, dans le Sud : Kaédi en 1898, Boghé en 1912…. alors que les Médersas le seront seulement à partir de 1916 à Boutilimit, puis à Atar en 1936…., en raison notamment de l’hostilité affichée en pays Maures. C’est ce qui explique qu’à l’accession de notre pays à sa souveraineté le 28 novembre 1960, l’essentiel des cadres et des lettrés en langue française sont du Sud. 

Du non règlement de la question nationale à la reconnaissance du génocide Plus de cinquante deux ans de vie commune, d’oppression, d’injustices, de domination, de persistance de l’esclavage, de déportation, de luttes et …. un pays à reconstruire.

Pourtant, à la veille de l’accession du pays à la souveraineté internationale des signaux clairs avaient été lancés de part et d’autre. Mais celui qui présidait aux destinées du pays, croyant en sa bonne étoile, s’est lancé comme si de rien n’était dans la construction « d’un Etat moderne, trait d’union entre l’Afrique Noire et leMaghreb » dans lequel devraient disparaitre tous les particularismes.

Cet équilibre affiché sera foulé dès les premières années de l’indépendance à travers une série de politiques préparant l’ancrage de la Mauritanie à l’ensemble maghrébin et arabe. Les clefs de ce nouvel ensemble, fraîchement créé, encore fragile, ont été confiées à Mokhtar Ould Daddah. Si celui-ci appelait à construire ensemble la nation mauritanienne, sa conduite des affaires sera très tôt considérée comme partisane : 

- Une conduite tendancieuse des affaires de l’Etat visant à donner une image exclusivement arabe du pays à l’étranger. Cette diplomatie a tellement réussi que bon nombre de Noirs Mauritaniens sont régulièrement suspectés de mentir sur leur nationalité ; pour cause « la carte postale Mauritanie » est autre. 

Il n’est pas rare de voir des compatriotes mondialement connus par leurs talents, par honte ou par facilité, être catalogués originaires du Mali ou du Sénégal

- l’imposition de la langue l’arabe dans le système éducatif s’avèrera être un subtil moyen de sélection par l’école : en quelques années les résultats des examens de l’entrée en sixième et au baccalauréat, jusque là marqués par un fort taux de réussite d’élèves francophones, majoritairement Noirs, vont s’inverser en faveur des élèves arabophones.

Comme langue de travail, le rôle de l’arabe va être déterminant dans la réussite aux examens et concours, notamment d’accès à la fonction publique. En tant qu’unique langue officielle à travers la politique d’« arabisation des ministères qui n’ont pas un caractère technique et qui sont en relation directe avec l’ensemble de la population comme la Justice et l’Intérieur », l’utilisation de l’arabe dans la sphère administrative se révélera comme un puissant outil de domination et d’exclusion : l’Etat laisse entendre sa volonté de s’adresser à toute la population mauritanienne au moyen de la seule langue arabe. 

- la concentration de l’essentiel des pouvoirs économiques, politiques et militaires depuis le coup d’Etat de Juillet 1978 entre les mains d’une partie de la composante maure. Cette armée budgétivore, véritable fonction publique parallèle, qui dirige le pays depuis, a trouvé le moyen de se débarrasser de sa composante noire ou de l’écarter des centres de décisions. 

- l’entrée en vigueur brutale à partir de 1983 d’une réforme foncière mal préparée et dont le seul objectif est l’expropriation, eut pour conséquence l’accentuation de la pression sur les terres agricoles de la vallée du Fleuve Sénégal d’investisseurs privés maures, bénéficiant de largesses de bailleurs arabes, et plus récemment d’investisseurs étrangers. 

- Plus généralement, les frustrations et les injustices ressenties par les Noirs, nées des traitements différenciés qui leur sont réservés et autrement plus sévères que ceux rendus pour les maures. 

L’opinion publique noire a souvent du mal à comprendre que les auteurs du dernier coup d’Etat manqué en Mauritanie, (appelé « coup d’Etat de Hannana », en juin 2003, certainement le plus violent du genre), n’aient été condamnés qu’à des peines d’emprisonnement de quelques mois.

Moins compréhensible encore la reconversion de deux des présumés auteurs qui se sont présentés à leur libération aux suffrages de nos compatriotes et réussi à se faire élire à la représentation nationale. Leur mandat court toujours. 

Alors que quatorze années plus tôt, en 1987, pour une tentative de coup d’Etat qui n’a jamais connu de début d’exécution, le régime d’alors, a, au terme d’une procédure expéditive, jugé, condamné et exécuté trois officiers Noirs. S’en est suivie une purge au sein de la grande muette qui a laissé dans le secret des tombes hâtivement creusées à Inal, Jreida, Akjoujt, Azlat, … des dizaines d’hommes qui s’étaient engagés au service de leur pays. 

Les effets cumulés de tous ces facteurs présageaient d’une explosion de conflits. Une partie des maures, embrigadés par les mouvances pan arabistes et ayant le sentiment de plus en plus renforcé, et le disent, d’être chez eux, le seul chez qui leur soit propre (ça rappelle quelque chose), où l’Etat leur garantit tout : sécurité, impunité.

La majorité des Noirs vivent cette condition comme un non choix, une condamnation à cohabiter, avec le recensement discriminatoire (enrôlement) en cours, ils ont fini par se dire qu’ils ne sont que tolérés ? Leurs revendications ont toutes été réprimées dans le sang ; sans qu’à aucun moment le régime en place ne prenne le temps de réfléchir sur les motivations réelles de ces crises à répétition, et ne propose des solutions qui aillent dans le sens du maintien de l’unité nationale. 

Le calcul politique qui sous-tendait ces mesures, les conditions de leurs applications, la mauvaise gestion des conséquences de ces applications en termes de contestations cristalliseront toutes les frustrations et « pollueront » pour ainsi dire le climat politique de notre pays. La brèche ouverte depuis est devenue un fossé, si grand aujourd’hui qu’il fait courir à notre pays le risque de conflits à répétitions. 

L’exclusion peut-elle durer encore ? Combien de temps ? 

Les gouvernants, tous régimes confondus – exception faite des parenthèses Ould Haidalla et Sidi Ould Cheikh Abdallah - ont invariablement œuvré au maintien et au renforcement de l’option arabe irréversible de la Mauritanie. Une option que même l’opposition dans son écrasante majorité ne remet pas en cause, en dépit des conflits et les risques d’explosion auxquels elle a exposé notre pays en cinquante et une années de vie commune. 

L’exacerbation de cette politique raciste, injuste et d’exclusion donnera naissance aux évènements de 1989 et suivants, avec des massacres massifs des populations noires du Sud. Des actes que l’on peine encore à qualifier avec les mots qui conviennent. 

La victoire a beaucoup de pères : Génocides reconnus 

Historiquement, ce sont les vainqueurs qui ont imposé leur volonté quand il s’est agi de qualifier les faits. Leur camp ayant eu le soutien des instances internationales, quand il ne les a pas créées, pour traduire les bourreaux : le Tribunal de Nuremberg pour qualifier le traitement réservé aux Juifs lors des deux grandes guerres de crime contre l’Humanité, ceux d’Arusha pour le génocide des Tutsi au Rwanda et de la Haye pour le génocide des Musulmans de Bosnie Herzégovine.

La Cour Pénale Internationale pour Charles Taylor et récemment Laurent Gbagbo pour les crimes commis contre les peuples Sierra Léonais et Ivoirien respectifs. 

La défaite est hélas orpheline : Génocide voilé 

Ce qui s’est passé en Mauritanie entre 1989 et 1992 présente toutes les caractéristiques d’un génocide au sens retenu par les Nations Unies en 1948 dont une des conventions reconnait comme tel tout acte « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». 

Abstraction faite du débat que peut soulever l’usage des concepts renvoyant au nombre de victimes, à l’ethnie, à la race, voire à la religion notamment chez certains scientifiques puristes, cette définition lève toute ambiguïté sur le caractère des massacres commis lors de la période référencée. 

Trois facteurs accablants sont à considérer ici, pris séparément ou mis ensemble. 

Premier facteur : l’intention (de détruire tout ou partie d’un groupe national). Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle y était, on est allé les chercher là ils se trouvaient : villages, lieux de travail (bureaux, écoles et marchés), au sein des forces armées et de sécurité. 

Deuxième facteur : le motif apparent pour désigner puis massacrer les cibles, était leur appartenance à une ethnie. A l’exclusion des exécutions au sein de l’armée, les pogroms le long de la vallée ont ciblé les peulhs. La population victime a donc délibérément été sélectionnée (tous ceux qui ont été massacrés avaient la particularité d’être Noirs). 

Troisième facteur : ces massacres ont été pensés, planifiés, et exécutés au nom d’une idéologie raciste dont l’objectif était la purification ethnique. Le maître d’œuvre en était le Colonel Ould Taya, conseillé par des idéologues civils se réclamant du Baathisme. 

Il en découle que les crimes commis l’ont été sur la base d’une sélection, un tri. Une effroyable opération qui a précédé l’exécution collective des victimes. La sélection confère donc à ces crimes la condition nécessaire de leur qualification en génocide, tandis que le caractère collectif érige le mal en crime d’Etat. Faut-il encore un argument supplémentaire pour convaincre qu’il s’agit bien là d’un génocide. La réponse est assurément NON. 

A l’évidence, ce drame est bien issu d’une volonté systématique et planifiée d’extermination. La Mauritanie doit porter un regard apaisé sur son passé d’autant que certaines franges pan arabistes n’hésitent pas à accuser les exilés et déportés Mauritaniens au Sénégal d’avoir participé aux massacres de leurs compatriotes en 1989 dans ce pays, telle la réplique de l’Etat Turc accusant la France de génocide en Algérie en réponse au vote par le Parlement Français, le 22 décembre 2011, de la proposition de loi pénalisant la contestation du génocide Arménien. 

Pourquoi alors s’obstine-t-on à utiliser d’autres qualificatifs ? 

D’abord parce que les bourreaux sont encore en activité, dans les premiers cercles du pouvoir. Conscients de leur responsabilité certainement directe dans les forfaits commis, ils font tout pour retarder ou empêcher la manifestation de la vérité. 

Ensuite, la majorité des partis politiques ont préféré laisser les ONG sous-traiter la question, désertant ainsi cet épineux terrain rendu glissant par sa connexion avec la question nationale. Le débit des autres partis est faible, presqu’inaudible, en raison d’un réseau saturé par des dissensions des associations des victimes. 

Enfin les divisions au sein des associations de victimes elles mêmes, liées peut être aux traumatismes subis, sont un pain béni pour les présumés coupables, pourtant répertoriés, qui n’ont eu aucun mal à surfer sur ces divergences pour essayer de passer la solution de cette question par pertes et profits.

Victimes et ayant droit s’accommoderont du discours édulcorant les crimes en « passif humanitaire ». En acceptant ainsi de suivre les autorités dans cette démarche, ils espéraient peut-être donner une chance à ces dernières de cheminer vers une véritable réconciliation, impliquant réparations et pardon. 

Mohamed Ould Abdel Aziz, qui fut aide de camp du président Ould Taya et commandant du Bataillon de Sécurité de la Présidence de la République(BASEP) de 1987 à 1991 puis commandant du bataillon de commandement et des services à l’Etat Major national d’août 1991 à juillet 1993 selon son cv, aurait été épargné pour accorder une chance supplémentaire à la chance de réconcilier laMauritanie avec elle-même.

Ce fut un coup de poker perdant. La « prière aux morts » qu’il a orchestrée en grande pompe, n’avait d’autres motivations que mystiques. La campagne qui l’a suivie, autour du pardon participaità une démarche de diversion, visant à faire passer les victimes pour des haineux, des rancuniers qui ne pouvaient pardonner.

N’entendions-nous pas les chantres de cette campagne répéter à qui voulait l’entendre que « Allah, dans Son infinie bonté, accordait Son pardon à Ses créatures (fautives) qui le Lui demandaient ». Ce qu’ils omettaient de dire, c’est qu’Allah n’a jamais fait de mal à personne. 

Les victimes des exactions n’ont pas de contentieux avec Allah, mais bien avec des créatures comme elles qui se sont adonnées à des abominations, dont elles doivent répondre ici bas, avant de devoir en rendre compte devant notre Créateur et Ses Anges. Ils semblent être frappés d’amnésie, oubliant que certains de ces crimes ont été commis pendant le mois de Ramadan

Faute d’avoir pu l’empêcher de se produire, nous n’avons pas le droit de laisser les autorités ajouter au crime la bêtise de le minimiser. En effet, les expressions utilisées pour qualifier ces faits de « passif humanitaire », l’ont été, parfois sous la pression des bourreaux et de leurs amis au pouvoir. Comme si ce qui s’est passé n’était pas suffisamment grave pour mériter d’être qualifié autrement. 

Le « passif » (et l’ « actif »), usité en comptabilité ou en grammaire, ne peut ni ne doit en aucun cas être employé pour parler de cette abomination. On est en politique. En politique, comme en tout autre domaine, il est préférable d’utiliser les mots qui conviennent pour désigner les maux causés au risque de tomber dans le négationnisme. Les propos tenus récemment par le Général Meguett en constituent un début de commencement.

Souvenons nous qu’Hitler, tirant la leçon de la non application des résolutions du traité de Sèvres, signé le 10 août 1920 entre les Alliés et l’empire Ottoman, qui prévoit la mise en jugement des responsables du génocide arménien, aurait lancé en 1939 « Qui se souvient des massacres des Arméniens » à la veille de massacrer les handicapés, l’extermination des Juifs viendra deux ans plus tard. 

Rappelons aussi que le général père de la nation Turque, Moustapha Kemal avait pris soin de faire voter une amnistie générale des dits crimes le 31 mars 1929. EnMauritanie le colonel Maawiya Ould Sid’Ahmed Taya a fait voter une loi d’Amnistie de ses crimes, adoptée en 1993 par une Assemblée à ses ordres. La tentation de tracer un trait sur les faits était déjà là.

Le temps ne doit donc pas avoir de prise sur notre détermination et notre volonté à œuvrer pour la reconnaissance de ces crimes en génocide et la traduction pendant qu’il encore temps de leurs commanditaires devant la Cour Pénale Internationale. 

Est-il possible d’éviter à notre pays un futur incertain? 

Les Mauritaniens peuvent-ils s’arrêter un instant pour s’accorder sur l’essentiel en vue de construire un destin commun ? Quel modèle pour la Mauritanie : Etat unitaire, Etat fédéral ? Ancrage dans le monde Arabe ou dans l’Afrique noire ? Trait d’union ? 

Quoi qu’il en soit, nul ne peut gouverner paisiblement notre pays en méconnaissance totale de son histoire ou au mépris de celle-ci, faite de recompositions, de brassages, de mélanges de sociétés si différentes que tout éloignait au début, mais qu’il faut désormais administrer harmonieusement selon un principe si simple de justice et d’égalité, non pas de principe, mais d’égalité effective.

Pour cela l’armée au pouvoir depuis 1978, n’ayant pas vocation à faire de la politique et considérée comme comptable et responsable de ce génocide, n’est pas qualifiée à diriger la Mauritanie

Ciré Ba et Boubacar Diagana, Bruxelles 



 

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15 septembre 2014

MAURITANIE: Loupe du "Le Rénovateur" ! : Le nouveau PM dévoile son plan pour l’unité nationale

Temps Forts - Cette fois est encore est la plus flagrante, la plus osée, la plus méprisante, la plus provocatrice, la plus directe.

Tous les superlatifs ne suffiraient pour qualifier le geste combien maladroit mais aussi combien éloquent pour démasquer la personnalité d’un nouveau PM venu sans détour dénégrifier, blanchir, rincer la négraille ou le peu qui en existe encore, sans observer la moindre retenue ni égards pour une Mauritanie plurielle à laquelle il oppose ses propres rêves destructeurs.

Son plan machiavélique aux allures d’une précipitation rageuse est lancé. C’en est fait ! Ceux qui disaient que le nouveau Premier ministre Yahya Ould Hademine est l’incarnation d’une Mauritanie unique, dans une unité inique commencent à avoir raison.

Pas besoin d’aller chercher loin, le geste royalement perfide contre l’unité nationale est venu illustrer cette appréhension sur l’homme qui vient de prendre les commandes de l’exécutif. A suivre le dernier conseil des ministres et le chapelet consacrant les chapelles tribales des nominations à la primature avec sa horde de conseillers et de chargés de missions, il y a lieu de quoi s’inquiéter sur Notre unité nationale surtout sur le fossé qui se creuse davantage sous l’édifice déjà très précaire.

A qui profite le crime vachement personnel mais qui apparemment trouve dans le silence des autres l’occasion de se poursuivre de plus bel. Lisez et jugez-en de vous-même :

"Le Premier ministère a rendu public jeudi un arrêté nommant plusieurs chargés de mission et de conseillers. Il s’agit de :

- Mme Mariem Mint Tourad, chargée de mission ;

- MM. Mohamed Mahmoud Ould Bouasriya, chargé de mission au Premier ministère ;

Ahmed Salem Ould Mayabe, conseiller chargé des affaires islamiques ;

- Nagi Ould Khattry, conseiller chargé des affaires sociales ;

- Mme Aima Mint Salem Vall, conseiller chargée des affaires culturelles et de l’enseignement ;

- MM. Cheikhna Ould Idoumou, conseiller chargé des affaires administratives ;

Mohamed Yahya Ould Ahmed El Ghadhi, conseiller chargé des ressources de l’énergie et du développement industriel ;

Hasni Ould F’Ghih, conseiller chargé de la communication ;

- Isselmou Ould Meynouh, conseiller chargé de la justice, des droits de l’Homme et de la société civile ;

- Ebaba Mint Abbad, conseiller chargée des infrastructures ;

- Ahmed Ould Khteira, conseiller aux affaires politiques"


AMI a raison de préciser qu’il s’agit bien de « plusieurs chargés de missions et de conseils ». Cela tient à la nature même de cet arrêté taillé sur mesure d’un plan concocté apparemment seul par un homme qui semble avoir d’entrée de jeu des coudées franches pour mettre en œuvre ce qui correspond bien à sa vision d’une Mauritanie au goût de sa soupe.

Le tout dans une sorte de retour aux vieux amours d’une certaine déformation historique et culturelle chère aux nostalgiques d’une patrie dans laquelle il faut cantonner des patriotes apatrides.

Si tel est le cas le Président Mohamed Ould Abdel Aziz aura-t-il remis en cause ce qu’il avait déjà commencé à réaliser dans le retour progressif à la normale non encore normalisé de l’unité nationale ?

Cheikh Tidiane Dia 

8 septembre 2014

Visite de François Hollande au Niger vue par les associations nigériennes

La tournée de François Hollande en ce mois de juillet connait des réactions pour le moins partagées, notamment au Niger où les associations nigériennes ne voient pas d’un très bon œil cette visite du chef d’Etat français. Pour témoignage, ce positionnement d’Ali Idrissa, du collectif « Sauvons le Niger »Lire en ligne

17 Juillet 2014

Ali Idrissa, membre du collectif « Sauvons le Niger », estime que « le Niger n’a rien à gagner de cette visite ».

AA / Niamey / Balima Boureima

Le Niger, se prépare à accueillir, vendredi, le président français François Hollande. Une visite éclair d’une demi journée qui ne fait pas l’unanimité au sein de l’opinion publique à Niamey.

Les Grandes artères de la capitale connaissent depuis quelques jours un regain d’attention, notamment depuis l’annonce de l’arrivée de Hollande, dans le cadre d’une tournée africaine qui débute, jeudi, par la Côte d’Ivoire et de l ’achève, samedi, par le Tchad.

Iro Sani, responsable de la communication du parti au Pouvoir, le « Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS) », se réjouit de cette visite qui n’est autre que « le fruit de la diplomatie diplomatie menée par les autorités actuelles depuis leur arrivée au pouvoir ».

En revanche, la société civile considère que cette visite « ne sert en rien les intérêts du Niger ».

Depuis quelques jours, les médias nigériens multiplient la diffusion de messages audio et visuels invitant la population à sortir « en masse » pour accueillir « chaleureusement » le président français, alors que, dans le même temps, des responsables de la société civile promettent « un accueil d’un autre type ».

Au coeur de la discorde, l’accord signé le mois dernier entre le Niger et le groupe français Areva, concernant l’exploitation de l’uranium nigérien qui ne sert « que les intérêts de la France », selon certains membres de la société civile.

Interrogé par Anadolu, Ali Idrissa, membre du collectif « Sauvons le Niger », un regroupement d’une cinquantaine d’organisations de la société civile, estime que « Le Niger n’a rien à gagner de cette visite ».

« M. Hollande ne vient pas au Niger pour confirmer un partenariat gagnant-gagnant telle que promis par son prédécesseur Nicolas Sarkozy en 2007 » s’est-il exclamé.

« Si c’était le cas, il irait rendre visite aux populations d’Arlit (Nord) qui paient actuellement les conséquences de l’exploitation de l’uranium, et il rendra visite aux malades qui sont dans les hôpitaux » a encore martelé le membre du directoire collectif.

Durant cette brève visite, Hollande s’entretiendra avec son homologue nigérien Mahamadou Issoufou, avant de se rendre à la base militaire où sont logés les drones et les avions de chasse stationnés dans la cadre de l’opération Serval, a indiqué à Anadolu le service de communication de la Présidence du Niger.

Sur le plan économique, le chef de l’Etat français visitera la Société d’exploitation des eaux du Niger (Seen, une filiale de la société française Veolia) et la Société de transformation alimentaire (Sta, une société franco-nigérienne), spécialisée dans la production des aliments thérapeutiques notamment le Plumpy nuts, utilisé dans la lutte contre la malnutrition, toujours selon la même source.

En 54 ans d’indépendance, François Hollande sera le cinquième président français à fouler le sol nigérien. Georges Pompidou était à Niamey en 1972, François Mitterrand en 1982, Jacques Chirac en 2003 et Nicolas Sarkozy en 2007.

5 septembre 2014

SENEGAL: Le livre du Colonel Ndaw déterre les vieux secrets-défense des mauritaniens impliqués répondent

colonel ndao

Pour l’honneur : réponse au Colonel Abdoulaye Aziz NDaw
Dans un ouvrage publié sous le titre « Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise » Tome 1, le sens d’un engagement, publié chez l’Harmattan, paru en juillet 2014, le Colonel NDaw, notamment en son chapitre 9 (Officier de renseignement), écrit ceci en pages 101 et 102 :
« Après la Gambie, la DDSE s’intéressera à la Mauritanie pour contrer la politique de beydanisation entreprise depuis les barrages sur le fleuve dont le paroxysme fut atteint avec les évènements de 1989.
Il était temps de prendre les taureaux par les cornes et donner au gouvernement une étude progressive sur les relations entre les deux pays et établir une stratégie de sortie de crise.
Mon ami et frère Pape Farba SARR, patron de la Division Etudes et Prospectives, grâce à l’appui de tous les services et sous mon impulsion fit produire un excellent document qui aboutira à la reprise maîtrisée des relations diplomatiques entre le Sénégal et la Mauritanie.
Cette étude nous permit de contrer à temps la politique d’aide et de soutien à la rébellion casamançaise entamée par le gouvernement mauritanien pour nous déstabiliser. Je fis faire quelques coups de main par les réfugiés mauritaniens et organiser quelques razzias de bétail qui firent comprendre aux interlocuteurs que ce sera coup pour coup.
Dès lors, les deux services prirent langues au Mali et purent faire des échanges fructueux qui permirent aux Ministères des Affaires Etrangères de renouer le fil du dialogue et rétablir les relations diplomatiques. »
Comme Mauritaniens, vivant au Sénégal au moment des faits relatés, nous sommes doublement concernés, et à ce titre souhaitions apporter quelques clarifications.
Fuyant la répression du Colonel Maawiya Ould Sid’Ahmed Taya, nous nous sommes réfugiés à Dakar à partir de septembre 1986. Avec nos camarades rescapés des arrestations qui ont suivi la publication du Manifeste du Négro-mauritanien opprimé, nous y avons organisé la résistance et reconstruit notre organisation, les Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM). Depuis cette date et jusqu’en 1992 avec nos départs progressifs pour la France, nous avons occupé et monopolisé l’espace médiatique sénégalais et international pour dénoncer le régime de Nouakchott et le caractère sanguinaire de la répression qu’il faisait abattre sur la communauté noire. La déportation de plusieurs dizaines de nos compatriotes noirs vers le Sénégal et le Mali a fini par crédibiliser notre combat contre le racisme d’Etat en Mauritanie.
Le Sénégal nous a donc accueillis et protégés, ainsi que les dizaines de milliers de déportés arrivés plus tard contre leur gré sur son territoire. En de nombreuses circonstances, nous avons témoigné notre reconnaissance à l’endroit de ce pays, de personnalités ou partis politiques nous ayant soutenus au cours de cette période. Pour autant, nous ne saurions porter le chapeau que l’auteur du livre veut faire porter à des réfugiés mauritaniens, même si l’allusion manque de précision.
A ce titre, nous avions, il est vrai, des contacts civils, militaires et politiques jusqu’au très haut niveau de l’Etat, notamment avec Jean Collin, Ministre de l’Intérieur au moment du déclenchement du conflit de 1989, avec lesquels nous entretenions des relations discrètes, fondées sur la confiance mutuelle qui ont permis à nos interlocuteurs de mieux connaitre la nature du régime qui nous avait poussés à l’exil ; tandis que s’ouvraient pour nous des portes jusque-là fermées. Le secret qui entourait ces relations commande ne pas révéler de nom en dehors du numéro deux de l’Etat.
Le croisement des renseignements réunis par les services placés sous ses ordres a certainement permis au Colonel Abdoulaye Aziz NDaw d’accéder à des bribes d’informations présentées au chapitre 9 de son livre. Mais ces informations ne présentent aucun lien de cause à effet entre les éléments décrits et les évolutions politiques annoncées. Si les faits relatés sont réels, force est de constater qu’ils sont parcellaires et par conséquent rendent peu compte de la réalité dans sa globalité et sa complexité.
Nous ne connaissons pas personnellement le Colonel NDaw. Nous ne pouvons de ce fait remettre en cause ses allégations. Toutefois, nous estimons devoir témoigner pour la mémoire de nos martyrs combattants tombés à l’intérieur de la Mauritanie, et pour l’honneur de nos anciens camarades.
Nous avions eu des opportunités hautement crédibles de changer radicalement la donne en Mauritanie si nous n’avions inscrit notre lutte politique uniquement pour l’égalité et la démocratie. Si nous avions épousé l’idée fortement suggérée en 1989 de la division de la Mauritanie, fondée sur le décret du 8 décembre 1933 selon lequel la frontière entre les deux pays se situerait sur la rive droite, des moyens conséquents auraient peut être été mis à notre disposition. Force est de constater que nous n’avions pas eu tort. Car cette question frontalière, un temps posée comme préalable à toute discussion en vue de la reprise des relations diplomatiques avec la Mauritanie, fut progressivement assouplie avant d’être abandonnée.
Les révélations du Colonel, outre le fait qu’elles accréditent l’hypothèse longtemps avancée par le pouvoir de Nouakchott sans jamais pouvoir y apporter la moindre preuve, d’un soutien à ses opposants, discréditent la diplomatie sénégalaise. En effet, dans un livre blanc publié par le régime du Colonel Oud Taya, la responsabilité des autorités sénégalaises est directe dans les attaques perpétrées contre les domiciles et les commerces de Mauritaniens à Dakar et sa région, pour avoir encadré et armé des nervis guidés par des éléments des FLAM, « un groupe de racistes, commandité par le Sénégal pour essayer de déstabiliser la Mauritanie en y suscitant une guerre civile », rapporté par Olivier Leservoisier dans son ouvrage « La question foncière en Mauritanie. Terres et pouvoirs dans la région du Gorgol » Editions L’Harmattan, 1994, page 230. Alors que pendant ce temps, la Mauritanie de son côté, en dépit d’un faisceau d’indices importants tendant à démontrer qu’elle soutenait la rébellion casamançaise, a systématiquement nié cet état des faits, sans jamais faiblir.
Si comme le prétend le Colonel, le Sénégal voulait montrer à la Mauritanie que ce serait « coup pour coup », on peut se demander pourquoi il a alors choisi de le faire via des éléments disparates, donc incontrôlés, alors que des contacts existaient avec un groupe politico–militaire organisé et structuré. Notre branche militaire, dirigée par des officiers déportés, a courageusement, avec les moyens du bord, financés par nos militants installés en Europe et des bonnes volontés, mené plusieurs opérations à l’intérieur du territoire mauritanien uniquement sur des positions militaires nouvellement installées le long de la vallée du fleuve, sur les sites de villages dont les occupants avaient été déportés. Il y a eu des pertes de part et d’autres, des blessés et un prisonnier.
Alors, en choisissant de prendre langue avec des éléments isolés, le Colonel NDaw a porté un coup à notre cause, ainsi qu’au regard porté sur les réfugiés par les Mauritaniens des régions riveraines dont la compassion leur était de fait acquise. En effet, les éléments isolés qui menaient des razzias en territoire mauritanien, avec la bénédiction (on le tient désormais de lui-même) du Colonel NDaw et de ses hommes, ramenaient du bétail des villages paisibles. Ce qui n’était pas pour apaiser les esprits.
On comprend mieux par ailleurs et avec le recul et les révélations, la particularité de quelques camps de réfugiés, celui de Dodel notamment, leur hostilité vis à vis de notre organisation au moment des faits. C’est dans ce camp qu’est né, du jour au lendemain, le Front Uni de Résistance Armée de Mauritanie (FURAM). Nous soupçonnions dès le début que ce front avait la bénédiction de certains milieux, mais étions loin d’imaginer lesquels. L’expérience de notre organisation, ainsi que son assise lui ont permis toutefois de reprendre très rapidement le dessus.
Quant à l’évolution favorable des relations diplomatiques entre les deux pays que l’auteur du livre situe au même moment, elle tient plus à la volonté de la communauté internationale, la France en particulier, dont les efforts, voire les pressions, dans ce sens avaient abouti à faire se rencontrer les deux parties qui ne pouvaient continuer à s’ignorer. Le rétablissement des relations diplomatiques a été officiellement annoncé le 23 avril 1992 et la réouverture des frontières, effective le 2 mai 1992.
L’option prise par la France de normaliser les relations entre les deux pays, allait s’accompagner de l’organisation d’une élection visant à « recycler » le Colonel Ould Taya. Cette élection a porté un autre coup terrible à notre lutte. Les tenants de son organisation arguaient que « la priorité, c’est le rétablissement des relations entre la Mauritanie et le Sénégal, l’organisation d’élections en Mauritanie ». Devant nos revendications pour la convocation d’une Conférence Nationale à l’image de pays africains ayant tenté à l’époque une transition démocratique, ainsi que la disqualification du Colonel Ould Taya à participer à ces élections comme préalables, ils n’hésiteront pas à nous intimer de « rentrez dans au pays, une mauvaise élection est préférable à l’absence de démocratie ». Ould Taya élu à l’issue de ce simulacre, a été maintenu au pouvoir jusqu’au coup d’Etat du 3 août 2005.
Notre témoignage, fondé sur des faits réels et vérifiables, qui sera peut être complété par d’autres, lève toute ambiguïté quant aux allégations fantaisistes selon lesquelles le Sénégal nous aurait soutenus, distillées çà et là encore aujourd’hui en Mauritanie, dans les milieux les plus racistes prêts à en découdre.
Boubacar DIAGANA, ancien SG et Ciré BA, ancien porte-parole des FLAM au Sénégal.

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